Chronique de l’année 2016: la naissance de Mamie Platanes, le 15 février à Poitiers

Quartier de Beaulieu à Poitiers. Quelques dizaines de platanes bordant les boulevards et avenues de ce quartier très arboré ont déjà été enlevés par sécurité, car fragilisés par une tempête récente. Une communication minimale de la municipalité n’a pas permis aux habitants de comprendre pourquoi un abattage de masse d’une centaine de platanes sains doit encore être réalisé. Une demande d’explication adressée à l’élue en charge des espaces verts a tourné court lors d’une réunion fermée à la discussion.

Ce matin là une trentaine de riverains du quartier manifestent contre cet abattage en cours de réalisation près de chez eux. Les agents de la société de sous-traitance engagée par la mairie sont en plein travail en présence de professionnels des espaces verts. Des barrières métalliques assurent un périmètre de sécurité et des forces de police sont déjà présentes. La manifestation est bon-enfant (banderoles) mais par sécurité les travaux sont stoppés. Un couple de motocyclistes de la gendarmerie nationale arrive sur les lieux et complète le dispositif de bouclage de la zone d’abattage. Un

adjoint au maire se présente alors pour permettre aux engins de chantier de redémarrer mais ses propos demeurent aussi fermés à un début de négociation que les jours précédents. Se faisant Katia Lipovoï, une habitante engagée pour le respect et la sauvegarde de la nature, constatant que la coupe de tous ces arbres devient inéluctable secoue une des barrières accrochées entre elles. Cette retraitée de 72 ans provoque malencontreusement la chute de l’une d’entre elles. Le commandant de la police nationale, présent au milieu de ses hommes, en profite pour franchir la ligne de séparation réalisée par les barrières et vient saisir Katia pour l’interpeler. Celle-ci se débat, d’autres policiers se précipitent pour la maîtriser et l’emmènent les quatre fers en l’air jusque sur le trottoir, la plaquent au sol violemment, face contre terre. L’un des policiers lui écrase la poitrine d’un genou pour lui passer les menottes dans le dos. Plusieurs la relèvent sans ménagement et la poussent vers un véhicule pour clôturer l’interpellation. Un caméraman de France 3 Poitou-Charentes, présent pour assurer un reportage sur l’épisode de l’abattage des arbres, filme cette scène d’arrestation très musclée pour une personne de son âge et n’ayant eu aucun geste hostile en direction des forces de police.

Aussitôt, le buzz est immense. La publication sur la page Face book de France 3 Poitou-Charentes enregistre plus de 8 millions de vues, 110.000 partages, 8.000 commentaires, certains venus l'étranger. Les images ont enflammé les réseaux sociaux. La photo de l'arrestation est re-tweetée près de 400 fois du compte de France Bleu Poitou. Ce buzz prend une telle ampleur que le député-maire de Poitiers, Alain Claeys, reçoit Katia Lipovoï et son comité de soutien dans son bureau, avant d'inviter la presse pour faire le point sur... les arbres de Beaulieu.

Après quelques heures de garde à vue, Katia est libérée et convoquée au tribunal.

Ainsi est née « Mamie Platanes» suite au relai de ce fait divers  poitevin dans une émission journalière satirique de France Inter deux jours plus tard.

Le 18 avril la Justice a finalement décidé de classer le dossier sans suite et de signifier à Katia un simple rappel à la loi. Une décision sans doute prise pour éviter tout débordement dans une affaire très médiatisée et alors que de nombreux soutiens de Katia Lipovoï avaient fait le déplacement devant le Palais de justice de Poitiers.

Bernard.